La capitalisation, seule échappatoire à la crise des régimes de retraites par répartition.

Au moment où Lionel Jospin était en train de peaufiner ses orientations pour un énième replâtrage du système de retraites de retraite par répartition français, le Cato Institute et le journal The Economist organisaient un colloque sur les retraites par capitalisation. Cette réunion fut l’occasion de faire le point sur les difficultés insurmontables rencontrées par les régime de retraite par répartition, les réformes déjà mises en œuvre puis de présenter quelques projets emblématiques de transition à la capitalisation.

Le Cato Institute, l’un des deux grands think tank libéraux américains, et le journal The Economist viennent d’organiser un colloque international sur l’avenir des retraites. Celui-ci a réuni des financiers, gestionnaires régimes de retraites privés ou publics, universitaires et hommes politiques issus de 23 pays. Clin d’œil des organisateurs, la réunion s’est tenue au Roosevelt Hotel, établissement new yorkais portant le nom du président américain initiateur du concept de « Sécurité sociale » et créateur du régime de retraite par répartition américain (OASI).

Le premier mérite de ces deux journées de travail fut de faire le point sur les difficultés insurmontables rencontrées par l’ensemble des régime de retraite par répartition. Tour à tour se sont succédés à la tribune des orateurs anglo saxons (Australie, Etats-Unis, Grande Bretagne), d’Europe continentale (Allemagne, Suède), d’Amérique Latine (Chili, Mexique, Pérou), d’Anciens pays de l’Est (fédération de Russie, Pologne) ou du Sud-Est Asiatique (Chine, Corée, Japon). Tous ont montré comment le vieillissement démographique conduit inéluctablement à la faillite des régimes de retraite par répartition. Ces régimes utilisent les cotisations des actifs, dont le nombre stagne, pour financer les pensions destinées à des retraités, qui sont de plus en plus nombreux et vivent de plus en plus longtemps. Ainsi les flux de recettes ne sont pas à la hauteur des besoins de financement. En dépit des augmentations des taux de cotisations, du recul des âges de la retraite ou des diminutions des pensions, l’avenir des régimes de retraite par répartition est universellement remis en cause. Dans la mesure où la retraite n’apparaît plus comme un risque, mais comme une quasi certitude, le recours à la capitalisation est inéluctable. Cette technique est la seule à permettre de préserver, ou d’accroître, le pouvoir d’achat des actifs et des retraités. Alors que les régimes de retraite par répartition sont un jeu à somme nulle participant d’une logique de lutte des classes opposant les intérêts des « jeunes » cotisants à ceux des « vieux » retraités, la capitalisation est mutuellement profitable. En effet, par l’intermédiaire des marchés financiers, chaque actif peut accéder – moyennant des cotisations nettement inférieures à celles destinées aux retraites par répartition à des prestations retraite sensiblement plus attractives.

Le second mérite du colloque fut de faire le point sur les expériences de transition à la capitalisation. Le docteur José Piñera a notamment présenté la réforme chilienne, en montrant  comment celle-ci a directement profité aux travailleurs. Depuis 1981, ceux-ci ont la possibilité de capitaliser une partie de leurs revenus dans des plans d’épargne retraite gérés par des fonds de retraite privés. Cette formule a immédiatement rencontré un énorme succès -  94% des actifs chiliens sont passés à la capitalisation – et a suscité un boom économique sans précédent. Le taux de croissance, qui est de 3% sur le siècle, a plus que doublé et le chômage chilien a considérablement diminué. Les fonds de retraite, qui ont rapporté 11% l’an sur les 19 dernières années, ont permis aux actifs de partir plus tôt à la retraite tout en accédant à des pensions sensiblement plus importantes que celles précédemment versées par les caisses par répartition. Autre point non négligeable, la capitalisation a donné la possibilité aux personnes à faible espérance de vie de transmettre leurs épargnes à leurs enfants. Elle a ainsi permis de  réduire les inégalités puisque les pauvres, qui ont souvent une espérance de vie inférieure à la moyenne, étaient particulièrement pénalisés par la répartition. Précisons que les seuls à ne pas avoir refusé la capitalisation furent les militaires (dont la caisse par répartition est aujourd’hui en faillite) et que les alternances politiques puis le retour au pouvoir des socialistes n’ont  nullement remis en cause la transition à la capitalisation.

Cet exemple a eu le mérite de montrer que la transition à la capitalisation était à la fois réalisable et souhaitable. Il a été, par la suite, maintes fois imité. Sept pays d’Amérique Latine ont instauré des régimes de retraite par capitalisation (Pérou, Colombie, Argentine, Uruguay, Mexique, Bolivie et Salvador). Depuis peu des anciens pays de l’Est comme la Croatie, la Hongrie, le Kazakstan, la Pologne, la Roumanie ou la Russie envisagent, à des degrés divers,  une transition à la capitalisation. A la lumière des interventions des différentes participants au colloque, il semble que la réforme polonaise soit la plus en pointe. Précisons en outre que les réformes ne sont pas l’apanage exclusif des économies de marché, puisque la République populaire de Chine envisage aujourd’hui de créer des dispositifs de retraite par capitalisation (la délégation chinoise à la conférence organisé par le Cato Institute et The Economist était d’ailleurs forte d’une trentaine d’officiels). 

A contrario, l’on notera que ce colloque sur la privatisation des retraites n’avait attiré aucun représentant des pouvoirs publics et des partenaires « sociaux » français. Ces absences témoignent du parti pris idéologique des gestionnaires de l’assurance vieillesse et de l’absence de débat quant aux réformes à entreprendre pour sauver les retraites françaises.