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Retraites : Jospin botte à
nouveau en touche.
Le Premier ministre était
attendu sur les retraites, sujet sur lequel il commande des rapports à tour de
bras et organise des concertations à qui mieux-mieux depuis trois ans. Mais
Lionel Jospin, soucieux de ménager sa majorité plurielle, a préféré une fois de
plus botter en touche. Mardi dernier, il s’est contenté d’esquisser de vagues
orientations en renvoyant la prise de décisions à l’issue d’une énième
processus de concertation. L’opposition s’est quant à elle montrée incapable de
proposer une alternative crédible aux français, condamnés à organiser eux mêmes
leur capitalisation.
Jospin n’est toujours pas décidé à agir.
Depuis trois ans, le Premier
ministre a commandé des rapports sur les retraites à tour de bras et organisé
des concertations à qui mieux-mieux. Il a initialement fait plancher son
Conseil d’Analyse économique qui a réalisé trois rapports. En mai 1998, ceux-ci
ont discutés en présence de Lionel Jospin, qui préside les travaux de cette
jeune institution. Quinze jours plus tard, l’hôte de Matignon passait commande
auprès du Commissariat général du plan d’un nouveau rapport. Il s’agissait
cette fois-ci d’opérer un diagnostic concerté avec les organisation syndicales.
Ce travail fut rendu en mars 1999, sans que le Premier ministre ne se résolve à
passer à l’acte. A l’époque, Lionel Jospin qui ne craint visiblement pas le
comique de répétition, passa commande d’un nouveau diagnostic et d’une nouvelle
concertation. Martine Aubry fut chargée de recevoir les syndicats durant l’été
et l’automne 1999, tandis qu’un ami du Premier ministre, tout juste nommé au
Conseil économique et social, rédigeait un énième rapport. La ficelle était si
grosse que l’assemblée du palais d’Iéna fut ridiculisée, ce qui n’empêcha pas
Lionel Jospin d’ajourner son intervention sur la question des retraite,
annoncée pour septembre 1999, puis repoussé à la fin 1999.
Mais au terme de ce processus de
concertation sans précédent, le Premier ministre était censé passer aux actes.
Ayant étoffé sa bibliothèque de plus d’une demi-douzaine de rapports publics
(Balligand-Foucauld, Charpin, Davanne, Lorenzi, Morin, Teulade, Taddéi, etc.),
il se devait de présenter les orientations du gouvernement en matière de
retraites. Il n’était plus question de reculer, même si pour des raisons de
politique intérieure l’intervention de Lionel Jospin, reprogrammée en février
2000, fut encore retardée à deux reprises.
Finalement le Premier ministre
s’est exprimé mardi 21 mars. Mais surprise, il a une fois de plus botté en
touche en proposant aux partenaires sociaux… d’organiser « rapidement »
une troisième concertation sur les retraites. Il s’agirait d’aborder la
question des pensions du public, en proposant par exemple d’aligner la durée de
cotisation sur celle du privé (40 ans en 2003). Or, les fédérations syndicales,
dopées par l’échec des négociations de la fonction publique et le conflit du
ministère des finances, ont immédiatement fait connaître leur opposition. Elles
ont compris que Lionel Jospin recule - tôt ou tard - devant les syndicats,
quitte à sacrifier certains de ses ministres (Claude Allègre, Emile Zuccarelli
ou Christian Sautter).
Aussi, force est de constater que
les quelques mesures concrètes annoncées par Jospin ne sont pas à la hauteur
des enjeux. Parmi les propositions du Conseil d’Analyse économique, le Premier
ministre écarte la piste d’une réforme de l’épargne salariale et reprend à son
compte celle du fonds de réserve, tout en décidant d’abonder chichement ce
dernier. Le rapport Charpin fait lui aussi fait l’objet d’un tri
sélectif : l’hôte de Matignon refuse de porter à 42 ans ½ la durée de
cotisation du public et du privé et se contente de retenir le toilettage des
règles de départ à la retraite. Enfin Lionel Jospin propose de mettre en place
un Conseil d’orientation des retraites. Conformément au rapport Teulade, cette
instance sera constituée de représentants des partenaires sociaux, de
parlementaires et de personnalités qualifiés. Elle permettra aux Premier
ministre, qui a déjà fait appel à toutes les instances traditionnelles,
d’orchestrer cette fois-ci une concertation qui aura l’avantage d’être
permanente. Le candidat Jospin gagnera encore du temps, ce qui lui permettra
d’aborder la campagne présidentielle de 2002 sans avoir proposé aucune réforme
de fond. Plus grave, ce nouveau conseil donnera une tribune supplémentaire aux
partisans du statu-quo, ce qui rendrait d’autant plus difficile toute véritable
réforme au cas ou l’opposition revenait au pouvoir et intégrait enfin l’utilité
d’une transition à la capitalisation.
La droite n’a toujours pas
fait son deuil de la répartition.
Si la posture de
Jospin est rationnelle puisqu’il soigne les syndicats de la fonction publique
qui conditionnent son accession à l’Elysée, il n’en va pas de même de la
démarche adoptée par l’opposition. Celle-ci a fait le choix d’instruire un
procès en « immobilisme » à l’encontre du Premier ministre, sans pour
autant proposer une alternative qui puisse mobiliser les français.
Cette démarche est une impasse à
double titre. Elle sert tout d’abord Lionel Jospin, en cristallisant autour de
lui les sympathies de ceux qui désirent que rien ne change. Elle désespère
ensuite le nombre grandissant de français ayant intégré l’importance de la
capitalisation. Ceux-ci n’accordent plus aucun crédit au discours développé par
les dirigeants de l’opposition qui, réflexe pavlovien, s’affirment avant tout
les défenseurs de la répartition. Pire, ces hommes politiques se font les
avocats de mesures impopulaires (report de l’âge de la retraite) au lieu de
mettre en avant les avantages d’une capitalisation (diminution des taux de
cotisation, accroissement des pensions, choix individuel de l’âge de la
retraite ou d’une sortie en rente ou capital). Certes, on dénombre quelques
prises de positions courageuses (Douste-Blazy a commis un livre, Seguin s’est
interrogé sur la capitalisation, Madelin défend timidement les fonds de
pension), mais elles ne constituent pas un programme qui puisse emporter
l’adhésion du plus grand nombre. Il est profondément attristant que les
dirigeants de droite, que la gauche « accuse » en permanence d’être
en faveur de la capitalisation, soient incapables d’expliquer les avantages de
cette dernière aux français.
Le salut viendra de l’initiative individuelle.
Néanmoins cette impasse politique
ne doit pas conduire les libéraux, et tous ceux qui souhaitent disposer d’une
retraite conséquente, à baisser les bras. D’une part, un grand nombre d’actifs
du public et du privé disposent déjà d’instruments permettant constituer leur
propre retraite par capitalisation (fonds de pension de fonctionnaires et
d’entrepreneurs individuels, plans d’épargne d’entreprise, etc.). D’autre part,
ceux qui n’ont pas accès à ces dispositifs catégoriels peuvent recourir aux
PEP, PEA ou produits d’assurance vie sans tomber sous le coup d’une fiscalité
sur l’épargne discriminatoire. Une fois de plus, il semble que le salut ne
viendra pas de ceux qui nous dirigent, mais de l’initiative individuelle de
chacun.
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