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Retraites des fonctionnaires,
Jospin se trompe de méthode et d’objectif.
Voilà maintenant deux semaines que Lionel Jospin a proposé
aux syndicats d’organiser une concertation sur une éventuelle réforme des
retraites du secteur public. Ce geste a, semble-t-il été bien accueilli par les
74% de français qui considèrent que l’alignement des durées de cotisation entre
fonctionnaires et salariés du privés est « plutôt une bonne chose »
(sondage IFOP). Néanmoins, de profondes interrogations subsistent quant à la
méthode récemment employée par le premier ministre et aux objectifs qu’il
poursuit.
Jospin a conclu un marché de dupe avec Blondel.
Jusqu’à présent les velléités
réformatrices de Jospin n’ont pas été couronnées de succès. Une rumeur
syndicale stipule que le Premier ministre avait accepté de retirer la réforme
de Bercy en l’échange de la « neutralité bienveillante » de
Marc Blondel (FO) sur le dossier des retraites des fonctionnaires. Il semble
que cette manœuvre n’a pas produit les résultats escomptés. En dépit de
l’humiliation et du sacrifice de l’ex Ministre des finances, Christian
Sautter,
la majorité des syndicats de fonctionnaires a immédiatement fait connaître son
opposition à toute réforme. La CGT, FO et Solidaires (ex-groupe des Dix)
refusent d’envisager un alignement du régime des pensions publiques sur celui
du privé. Ces trois syndicats entendent défendre les privilèges de la fonction
publique, et notamment le maintien de la durée de cotisation à 37 ans ½ (40 ans
dans le privé) ainsi que calcul des pensions à partir du dernier traitement (25
meilleures années dans le privé). Ces fédérations syndicales ont d’ailleurs
organisé une journée nationale de protestation jeudi 30 mars, afin de montrer
leur attachement aux retraites et à la création d’emplois publics.
Jospin va-t-il maintenant céder sur l’emploi public pour amadouer les
syndicats ?
Dans ces conditions, il est
possible de s’interroger sur la méthode employée par Lionel Jospin. De la même
façon qu’il a visiblement sacrifié Christian Sautter dans l’espoir d’amadouer
FO, le premier ministre ne va-t-il pas chercher à satisfaire les syndicats sur
le terrain de l’emploi public pour s’attirer leur neutralité sur le dossier
retraites ? Dans ce cas, l’effet global de la « réforme » des
retraites pourrait être nul voire négatif. En effet, les économies dégagées en
faisait à terme travailler les fonctionnaires 2 ans et ½ de plus seraient
annulées si les personnels étaient remplacés au gré des départs à la retraite.
Or, Michel Sapin, le nouveau
ministre de la fonction publique, a déjà fait savoir qu’il n’exclu pas des
créations d’emplois publics. Le gouvernement est donc prêt à lâcher du lest dès
à présent, sans avoir obtenu aucun engagement ferme des syndicats sur la
question des retraites. Ainsi, il est à craindre que Lionel Jospin ne cherche à
marquer des points sur le dossier des retraites en achetant la neutralité des
syndicats. Le Premier ministre risque de conclure un nouveau marché de dupe
avec des partenaires sociaux, qui n’ont pourtant aucun pouvoir décisionnel en
matière (les pensions publiques n’ont pas de caractère paritaire et relèvent de
la loi). Du point de vue du contribuable, cette démarche équivaudrait à une
victoire à la Pyrrhus puisque les dépenses globales de personnel continueraient
de croître à un rythme soutenu.
Evolution des dépenses de personnel du
budget général
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1996 (LFR)
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1998 (LFR)
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2000 (PLF)
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Rémunérations
et charges sociales
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437 (+3,0%)
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461 (+3,2%)
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483 (+2,2%)
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Pensions
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165 (+4,4%)
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178 (+4,1%)
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192 (+6,8%)
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Milliards
de francs, chiffre Assemblée nationale.
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Jospin propose une réforme insuffisante
Outre la méthode, il semble
nécessaire de s’interroger sur l’objectif poursuivi par le Premier ministre.
Celui-ci propose, au nom de l’équité, de rapprocher le mode de calcul des
pensions des fonctionnaires de celui des salariés du privé. Or, cette
uniformisation n’est pas à la hauteur des enjeux puisque l’avenir des retraites
par répartition du privé n’est lui même pas assuré. En outre, contrairement à
une idée reçue, les pensions des fonctionnaires n’obéissent pas à une logique
de répartition. Depuis 1853, l’essentiel des pensions retraite de la fonction
publique est financé par le budget, tandis que les cotisations acquittées par
les fonctionnaires jouent un rôle
marginal. Aujourd’hui, les retenues sur traitement des agents publics
représentent seulement 7,85% de la masse salariale, tandis les sommes versées
par les contribuables au titre des retraites de la fonction publique équivalent
à 47% de la masse salariale. Or, à l’avenir, les contribuables seront appelés à
financer les retraites du public dans des proportion nettement plus importantes
puisque le coût des retraites dépassera celui du traitement des fonctionnaires
en activité. Ainsi, en dépit d’un allongement de la durée de cotisation, il
faudra sensiblement augmenter la pression fiscale pesant sur tous les français.
Aussi, la véritable réforme
consisterait à provisionner les retraites du public pour éviter de devoir
accroître demain la fiscalité dans des proportions insupportables. Il faudrait
dès à présent basculer les fonctionnaires en capitalisation. Une telle
évolution, neutre du point de vue des agents actifs et des retraités,
permettrait de préserver le pouvoir d’achat des générations de contribuables à
venir. Précisons que les syndicats ne pourraient pas s’y opposer puisque cette
évolution ne remettrait pas en cause le montant des prestations retraite.
Enfin, il est certain qu’une fois les fonctionnaires passés en capitalisation,
il serait plus facile d’opérer un bouleversement du même ordre dans le privé.
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