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Retraites
: les neufs privilèges du secteur public.
Les retraites de tous les
Français du secteur privé sont payées par leurs cotisations. Celles des
fonctionnaires sont payées par les contribuables : c’est une des
inégalités choquantes dont bénéficie le régime des retraites publiques. Avec
beaucoup de cynisme, les mêmes fonctionnaires qui réclament l’égalité avec le
privé quand cela les arrange, gardent sous silence les inégalités dont ils
bénéficient.
Les syndicats, qui recrutent l’essentiel de leurs effectifs
dans la fonction publique, font
traditionnellement montre d’un attachement à une égalité de traitement la plus
intégrale. Ils ont défendu pendant des années l’école unique, au nom d’une
quête de l’égalité des chances qui devait conduire à l’abolition de toute
distinction religieuse ou culturelle. Ils s’opposent systématiquement à toute
libéralisation de l’assurance maladie, au motif que celle-ci pourrait susciter
l’apparition d’une médecine « à deux vitesses ». De même, les
syndicats militent pour la réduction du temps de travail des fonctionnaires et
assimilés. A les entendre, il n’y aurait pas de raison que les mesures mises en
œuvre dans le secteur privé ne s’appliquent pas dans le public, même si les
fonctionnaires ont une charge de travail nettement inférieure à la moyenne des
français. Néanmoins, à y regarder de plus près, il semble que cette quête de
l’égalité fonctionne à sens unique. Le leitmotiv égalitariste est
systématiquement mis en avant lorsqu’il s’agit de revendiquer plus de moyens pour
le secteur public et ses personnels. En revanche, il n’est jamais mis au
premier plan pour défendre les intérêts des contribuables ou des salariés du
privé. Tout se passe comme si l’égalité devait avant tout profiter à une seule
catégorie d’individus. Il en va notamment ainsi en matière de retraites,
puisque les fédérations de fonctionnaires rejettent systématiquement les
propositions d’harmonisation. Or, force est de constater qu’il existe de
nombreuses disparités de traitement entre le régime des travailleurs salariés
et les régimes de la fonction publique.
Première inégalité, la durée de
cotisation. Au terme de la réforme Balladur, les salariés du privé
obtiendront en 2003 une retraite « à taux plein » à condition d’avoir
validé 160 trimestres. Or, la durée de cotisation n’a pas changé dans les
régimes de la fonction publique. Depuis 1948, elle est, au maximum, de 37,5
années. Précisons que la durée de cotisation peut descendre à 25 ans
(officiers), voire à 15 années (militaires du rang, mères de trois enfants)…
Conséquence, les agents de la fonction publique partent nettement plus tôt à la
retraite : l’âge moyen de départ à la retraite oscille entre 59 ans
(fonctionnaires civils) et 50 ans (militaires), tandis que les salariés du
privé prennent en moyenne leur retraite à 63 ans.
Deuxième inégalité, la durée de
la retraite. Les agents de la fonction publique, qui partent le plus tôt à
la retraite, sont aussi ceux qui ont l’espérance de vie la plus grande. Ils
disposent ainsi d’une durée moyenne de retraite sensiblement plus élevée que
leurs concitoyens : 26 ans pour les femmes et 21 ans pour les hommes, soit
respectivement 4 et 5 années de retraite en plus que dans privé.
Troisième inégalité, le mode de
calcul de la pension. Les pensions des fonctionnaires sont calculées en
fonction du traitement des 6 derniers mois de carrière. Elles représentent 75%
de ce dernier traitement brut (hors primes) dans le cas d’un fonctionnaire
sédentaire ayant travaillé 37,5 ans sans avoir eu d’enfant. Au gré des majorations,
les pensions peuvent monter jusqu’à 100% du dernier traitement. A contrario,
dans le secteur privé, la pension de base sera, en 2008, de 50% des 25
meilleurs salaires annuels (bruts et plafonnés). Même complétée par une pension
complémentaire (ARRCO, AGIRC…), elle donne un taux de remplacement sensiblement
inférieur à celui du public.
Quatrième inégalité, le mode
d’indexation de la pension. Les retraites public, comme celles du privé,
sont réévaluées en fonction de l’indice des prix. Mais fonctionnaires à la
retraite bénéficient, en plus, des mesures catégorielles accordées aux agents
actifs.
Cinquième inégalité, la pension
minimale. La pension minimale du secteur public est attribuée sans
condition d’âge ou de durée d’assurance. Elle avoisine 5.500 francs, contre
3.300 francs dans le privé (à condition d’avoir cotisé 150 trimestres ou plus).
Sixième inégalité, le cumul
emploi / retraite. Le cumul emploi retraite ne pose aucun problème dans le
public puisque le retraité peut toucher l’intégralité de sa pension tout en
exerçant une activité dans le secteur privé. En revanche, les droits du
retraité du privé sont revus à la baisse en cas de reprise d’activité.
Septième inégalité, la pension
de reversion. Indépendamment de leurs ressources, les veuves ou veufs de
fonctionnaires perçoivent 50% de la pension de leur conjoint (plafonnée à 37,5%
du traitement brut pour les veufs). Dans le régime général, le taux est
légèrement plus favorable (54% de la pension), mais la reversion s’effectue
sous de strictes conditions de ressources. Les familles de fonctionnaires sont
donc, une fois de plus, sensiblement favorisées.
Huitième et neuvièmes
inégalités, les fonctionnaires ne sont pas astreints à la répartition et
peuvent aisément capitaliser. Contrairement à une idée reçue, les retraites
des fonctionnaires n’obéissent pas à la logique de répartition, telle qu’elle a
été mise en place par le régime de Vichy puis confirmée à la Libération. En
effet, les pensions de la fonction publique ne sont pas financées par les cotisations
des actifs, mais par les impôts de tous les français. Ce particularisme, qui
remonte à la loi de budgétisation de 1853, explique pourquoi les retraites des
fonctionnaires sont sensiblement plus attractives que celles du privé.
Précisons enfin que les fonctionnaires peuvent constituer des retraites par
capitalisation dans des conditions fiscalement avantageuses. Ils sont, par
exemple, 200.000 à recourir au dispositif Préfon retraite, qui leur
permet d’économiser jusqu’au tiers de leur facture d’impôt sur le revenu.
Le système de
retraite fonctionne donc à deux vitesses. Il y a d’un côté les fonctionnaires,
qui ne supportent pas les désagréments de la répartition et ont accès à des
dispositifs de capitalisation attrayants. Il y a de l’autre les actifs du
privé, doublement pénalisés dans la mesure où ils financent les retraites du
secteur privé et les privilèges des pensionnés du public.
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