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Comptes de la Sécurité sociale,
des résultats en trompe l’œil.
Martine
Aubry n’a pas le plaisir modeste. Depuis plusieurs semaines, elle ne rate aucune
occasion de mettre en avant ses résultats, en soulignant que la décrue du
chômage sont sans précédents et le retour à l’équilibre financier de la
Sécurité sociale. Or, force est de constater qu’en l’absence de réformes
structurelles ces résultats restent notoirement insuffisants.
Martine Aubry vient d’annoncer que,
pour la première fois depuis 1985, le régime général a été excédentaire l’an
passé. Le résultat est modeste, puisqu’il repose sur un solde positif de 235
millions (moins de 0,02% des recettes), mais il est censé s’améliorer dans la
mesure où les experts gouvernementaux tablent sur 5 milliards d’excédents pour
l’année en cours. Pour autant, en dépit de l’autosatisfaction affichée par la
ministre – qui ne rate aucune occasion de critiquer ses prédécesseurs et les
actuels gestionnaires de l’assurance maladie - ces chiffres cachent une réalité
en trompe l’œil.
Tout d’abord, et c’est le plus
important, les recettes du régime général (donc ce que les Français auront payé
au total pour la sécu) ont augmenté de 4.6 % en un an pour atteindre le chiffre
record de 1.318 milliards de Francs. Quel exploit de réduire le déficit en
augmentant les charges ! Le gouvernement réplique que les cotisations
sociales payées par les salariés ont diminué, ce qui est vrai. Mais cette
baisse a été plus que compensée par la hausse des recettes de la CSG payée par
l’ensemble des Français.
D’autre part, les « bons
chiffres » découlent des excédents des branches accidents du travail (+1
milliard), famille (+4,81 milliards) et vieillesse (+3,7 milliards pour la
CNAVTS). En revanche, en dépit de l’envol des recettes consécutif à la reprise
de l’activité, l’assurance maladie reste déficitaire (-9,35 milliards).
Officiellement, les dépenses de santé ont surpassé de 11,6 milliards l’objectif
national voté par le parlement (615,1 milliards). Précisons que ce chiffre est
notoirement sous évalué puisque les caisses d’assurance maladie ont accumulé un
important retard dans le traitement des feuilles de soins. De nombreuses
dépenses de 1999 n’ont pas été comptabilisées à temps et ont été reportées sur
l’année en cours, pour laquelle on observe une croissance non contrôlée des
remboursements. Il est ainsi dors et déjà fait état d’une prévision de
dépassement de 3 milliards de l’Objectif national de dépenses d’assurance
maladie (ONDAM) en 2000.
Il apparaît donc qu’en dépit du
retour de la croissance, l’équilibre financier de l’assurance maladie n’est pas
atteint en 1999 et ne le sera pas en 2000. Ce résultats sont inquiétants
puisque que, saufs exceptions, les instruments de rationnement des dépenses
prévus par le plan Juppé sont désormais pleinement opérationnels. En outre,
contrairement aux conservateurs britanniques ou aux travaillistes néerlandais,
l’actuel gouvernement n’a procédé à aucune réforme structurelle alternative
permettant de tabler sur une amélioration durable des comptes de l’assurance
maladie. Ayant fait barrage à tous les projets visant introduire un certain
degré de concurrence, il s’accorde aujourd’hui le luxe de donner des leçons de
gestion aux dirigeants de l’assurance maladie. Or, la ministre de la santé et
de la solidarité devrait être cohérente avec elle même : on ne peut pas,
d’un côté, critiquer les dirigeants de la CNAMTS et, de l’autre, défendre leur
monopole. Si l’assurance maladie est mal gérée, il convient d’autoriser les
assurés sociaux à recourir aux services d’assureurs ou de mutualistes mieux à
même de contrôler les dépenses. Il est vrai que Martine Aubry n’est pas à une
contradiction près : celle qui avait critiqué le plan Juppé et les projets
de réduction du temps de travail a mis en œuvre, un fois ministre, ces
dispositifs avec une rare détermination.
En dépit des communiqués de
victoire, celle qui s’apprête à briguer la mairie de Lille léguera un passif
empoisonné à ses successeurs au ministère de l’emploi et de la
solidarité : alors que l’assurance vieillesse – par répartition – est
appelée à devenir déficitaire dans un avenir proche, l’équilibre financier de
l’assurance maladie n’est toujours pas atteint. Plus grave, alors que la
croissance prête à l’adoption de réformes structurelles visant à introduire la
concurrence au sein de la Sécurité sociale, aucun effort dans ce sens n’a été
fait. Il est a craindre que l’actuel gouvernement ne se comporte exactement
comme l’avait fait en son temps le gouvernement Rocard, en mettant à profit la
conjoncture économique pour masquer les défaillances structurelles de
l’économie française.
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