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Cachez cette épargne salariale que je ne saurais voir.
Laurent Fabius est en train de
boucler un avant-projet de loi sur l’épargne salariale. En dépit des
précautions prises pour ne pas froisser les partenaires sociaux, il s’agit
d’une bonne nouvelle pour tous ceux qui désirent préparer activement leur
retraite. On regrettera néanmoins que le gouvernement Jospin se contente
d’introduire la capitalisation en catimini, à l’opposé de la démarche
courageuse des rouges-verts allemands.
Bonne nouvelle, les salariés pourront capitaliser plus facilement.
Après deux ans de consultations
diverses, le gouvernement passe à l’acte. Conformément aux recommandations des
rapports Lorenzi (mars 1998) puis Balligand-Foucault (janvier 2000), Laurent
Fabius est en train de mettre en place un instrument d’épargne longue calqué
sur la fiscalité des plans d’épargne d’entreprise. Le futur plan partenarial
d’épargne salariale volontaire (PPESV) permettra de capitaliser jusqu’à 25% des
rémunérations salariales sur dix ans, voire plus, en l’échange d’une fiscalité
attrayante. L’épargne salariale - qui concerne aujourd’hui 4,4 millions de
personnes bénéficiant de dispositifs de participation, intéressement ou
d’épargne d’entreprise – deviendrait ainsi un instrument de prévoyance long
terme. Cette démarche novatrice permettrait notamment d’éviter la paupérisation
des ressortissants du régime général d’assurance vieillesse, dont les retraites
stagnent depuis leur indexation sur les prix (réforme Balladur de 1993).
Parmi les dispositions introduites
par Laurent Fabius, il faut souligner celles autorisant la mise en place de
plans d’épargne inter-entreprises (PEI). Concrètement, les partenaires sociaux
pourront s’entendre pour créer un PEI géographique ou professionnel, qui sera
ouvert aux employeurs et salariés qui le souhaiteront. Tous les personnels des
entreprises incluses dans le champ d’un plan
d’épargne pourront capitaliser. Les
salariés bénéficieront de conditions fiscalement attrayantes, même si leur
entreprise ne souhaite pas adhérer individuellement au plan d’épargne et, a
fortiori, l’abonder. D’autre part, le texte à l’étude assouplit les règles
de transfert d’épargne. Une personne changeant d’employeur ne perdra plus le
bénéfice d’une épargne salariale antérieure : elle pourra réinvestir la
totalité des sommes préalablement placées, tout en conservant les avantages
fiscaux associés aux périodes de blocages déjà écoulées.
Mauvaise nouvelle, le gouvernement n’est pas prêt à assumer la
capitalisation retraite.
Si les dispositifs à l’étude
présentent d’indéniables avantages, force est de constater que le gouvernement
n’est toujours pas prêt à tenir un discours de vérité aux français.
Officiellement, le PPESV n’est pas un produit d’épargne retraite appelé à
compléter les retraites par répartition. Le ministère des finances ne manque
d’ailleurs aucune occasion d’opposer l’épargne salariale, à la française, aux
fonds de pensions, à l’anglo-saxonne.
Détail révélateur, le texte proposé
par Laurent Fabius ne tranche pas entre les partisans d’un déblocage en rente
viagère ou en capital. Il élude ce débat, en laissant les partenaires sociaux
libres de préciser, au gré des accords, le mode de sortie. Il est probable que
les syndicats, hostiles à la capitalisation retraite, opteront pour une sortie
en capital. A leurs yeux, cette dernière présente l’avantage de ne pas
entretenir d’ambiguïté avec les produits retraites viagers. En réalité, ce
débat est purement artificiel puisqu’un salarié qui débloque son épargne en
capital peut immédiatement la convertir en viager en s’adressant à un
intermédiaire financier. Ainsi, quoi qu’on en dise, l’épargne salariale
permettra de constituer des compléments retraite. Si les motifs qui conduisent
les partenaires sociaux à privilégier la sortie en capital sont hypocrites, il
faut néanmoins noter qu’en réalité ce mode de sortie est favorable aux futurs
retraités. En effet, la sortie en viager présente - comme les retraites par
répartition – l’inconvénient de pénaliser les personnes modestes à faible
espérance de vie. Une sortie en capital, qui permettra notamment de constituer
un patrimoine transmissible au sein des familles, est donc un gage de justice sociale.
Lionel Jospin à la solution, mais il ne veut pas le dire.
Aussi, sans présager d’éventuels
durcissements, il apparaît que le projet d’épargne salariale est, en l’état
actuel, un excellent texte. Il importe néanmoins d’apporter un bémol puisque le
gouvernement propose de mettre en place un dispositif indispensable, tout en
refusant d’inciter les français à l’employer pour constituer une épargne
retraite. Contrairement à ses illustres prédécesseurs, tels Jaurès, ou à ses
homologues verts-rouges allemands, Lionel Jospin n’est pas prêt à expliquer
l’importance de la capitalisation retraite. Sa démarche s’apparente à celle
d’un enfant timide, qui aurait la solution au problème du jour, mais n’oserait
pas l’exposer, de peur de se faire gronder par ses camarades… pluriels. En
faisant voter en catimini un texte sur l’épargne salariale, le gouvernement
montre, une fois de plus, qu’il est à l’arrière-garde du progrès social.
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