Le Monde est-il encore un journal d’information ?

Le Monde vient de publier un article sur les retraites qui est un modèle de désinformation (Du modèle « bismarckien » au modèle « béveridgien », édition du 23 mars, page 11). Passons sur le titrage, qui n’a aucun rapport avec le papier, et attachons nous à relever les sept « perles » les plus croustillantes.

Première contrevérité : « Dans presque tous les pays, on augmente l’âge de la retraite, on relève les cotisations et on diminue les prestations ». Cette affirmation, mise en exergue par un sous titrage, est fausse. Il existe des pays où la transition à la capitalisation a permis de diminuer cotisations, tout en augmentant les prestations. Dans la mesure où les cotisations retraite sont désormais placées, celles-ci permettent de constituer des pensions sensiblement plus importantes. Conséquence immédiate : les actifs qui le désirent peuvent partir à la retraite plus tôt, comme on l’observe dans plusieurs pays d’Amérique Latine ayant opté pour la capitalisation.

Deuxième contrevérité : « La capitalisation est-elle plus adaptée que la répartition … la retraite par capitalisation a montré ses limites avec la ruine de nombreux cotisants pendant la seconde guerre mondiale ». Si de nombreux épargnants ont vu leur pouvoir d’achat amputé par l’inflation, la responsabilité de cette dernière incombe aux pouvoirs publics et non aux marchés financiers. Ce sont les autorités monétaires qui ont rogné la valeur de la monnaie, ce qui a diminué d’autant l’épargne retraite, massivement investie en titres publics. Des spoliations du même ordre peuvent se produire dans un système par répartition, comme l’illustre la situation des actuels retraités de l’ex URSS. Ils perçoivent des pensions par répartition dont le montant n’est pas été réévalué en fonction de l’inflation. Certains d’entre eux sont réduits à la mendicité mais, là encore, il ne s’agit d’une faillite des autorités et non du marché.

Troisième contrevérité : « La ruine de nombreux cotisants pendant la seconde guerre mondiale … est l’une des raisons qui ont fait que la France du général de Gaulle a choisi la répartition ». C’est René Belin qui a enclenché la transition à la répartition le 14 mars 1941. Cet ancien secrétaire de la CGT était, à l’époque, secrétaire d’Etat au travail du gouvernement de Vichy. Ayant besoin de liquidités, Belin se proposait de réaliser le rêve de nombre de gouvernements de la IIIème République. Il s’agissait de mettre la main sur l’épargne retraite des français, qui serait devenue inutile dans un contexte de répartition. Ce tour de passe-passe permettait de financer la mise immédiate en place de l’allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS). Dans ses mémoires, Belin confie que « persévérer dans la capitalisation, c’était escroquer les assurés sociaux, car il eût été illusoire d’escompter que l’Etat, lui-même ruiné par la défaite, pût jamais reconstituer à suffisance – et à perpétuité – les capitaux dévastés par une érosion monétaire dont la fin n’était pas prévisible ». En la matière, le général de Gaulle n’a fait qu’entériner les choix de Vichy. On notera d’ailleurs que ce sont deux anciens conseillers de René Belin, Françis et Netter et Pierre Laroque, qui mettront en place la Sécurité sociale à la Libération.

Quatrième contrevérité : au « Chili, on observe que les fonds de pension ne s’intéressent qu’aux clients les plus ‘profitables’ ». Affirmation fausse et gratuite. Depuis les réforme des années 1980, 99% des travailleurs chilien ont ouvert un plan d’épargne retraite. Lucas Delattre, auteur de l’« article » du Monde, devait être pressé par les impératifs de bouclage du quotidien.

Cinquième contrevérité : « En Angleterre, il y a des fonds qui disparaissent et des gens qui restent sur le tapis, mais on en parle pas ». Si, justement on en parle. Toute la gauche bien pensante met systématiquement en avant la faillite de Maxwell pour fustiger les dangers de la capitalisation. Cet employeur avait utilisé l’épargne retraite de ses salariés pour financer les dépenses courantes courante de son entreprise. Ce montage - qui est exactement celui des régimes par répartition - permit au financier d’éponger une partie de ses pertes. Mais la chute de Maxwell entraîna l’interruption du versement des pensions complémentaires de ses anciens employés. Or, cet épisode malheureux n’est pas représentatif des potentialités de la capitalisation. Au lieu de s’adresser à son employeur, le futur retraité à tout à gagner à faire appel aux institutions spécialisés qui géreront son épargne au mieux de ses intérêts.

Enfin, la conclusion du journaliste du Monde est savoureuse puisqu’elle mélange contresens logique et contrevérité factuelle : « Les provisions légales obligatoires atténuent les risques. Il n’empêche : au Chili ou en Pologne les rendements des fonds de pension sont inférieurs à ce qui était espéré ». On objectera tout d’abord que, par définition, les retraites par capitalisation sont provisionnées, contrairement aux retraites par répartition. Elles sont donc nettement moins risquées que ces dernières. On objectera ensuite que les taux de rendements obtenus dans les pays ayant opté pour la capitalisation sont sensiblement au dessus des prévisions initiales. Par exemple, l’épargne des travailleurs chiliens a été rémunérée à 11,2% (par an) sur les 19 dernières années, alors que les autorités tablaient initialement sur un taux de retour de 4% l’an.

Et dire que les journalistes du Monde prétendent faire œuvre d’information...