Epargne salariale : la capitalisation en catimini.

L'Assemblée nationale a définitivement adopté mercredi le projet de loi sur l'épargne salariale. Le nouveaux texte, qui élargit l'accès des salariés aux mécanismes d'épargne d'entreprise, tranche nettement avec le discours de gauche anti-capitalisation. Les socialistes, qui ont abrogé il y a quelques mois la loi Thomas sur les fonds de pension, viennent en effet d'adopter une loi de nature à favoriser le développement de l'épargne long terme. Mais ils demeurent incapables d'expliquer aux français l'intérêt de la capitalisation.

Les salariés pourront capitaliser plus facilement

Ca y est, la version définitive du projet de loi sur l'épargne salariale vient d'être votée par l'Assemblée Nationale. Il s'agit d'une bonne nouvelle pour les 3 millions de français qui détiennent de l'épargne salariale et pour les millions d'autres qui, jusqu'à présent, n'avaient pas accès à aux dispositifs d'entreprise. La nouvelle loi, inspiré du rapport Balligand-Foucault, va en effet doublement faciliter le développement de cette épargne défiscalisé.

D'une part, la nouvelle loi assouplit les contraintes juridiques en permettant aux petites entreprises de s'associer pour proposer à leurs salariés des Plans d'épargne inter-entreprises (PEI). L'épargne salariale, aujourd'hui l'apanage des grosses entreprises dotées d'accord de participation et d'intéressement pourra se développer dans les PME. Jusqu'à une période récente, ces dernières hésitaient à proposer de tels dispositifs faute de pouvoir mutualiser leurs coûts. C'est ainsi que seuls 3% des salariés des PME de moins de 50 personnes avaient accès à l'épargne salariale.

D'autre part, la nouvelle loi est de nature à faciliter le développement d'une épargne pudiquement qualifiée de "longue" qui, dans les faits, sera excellent produit de capitalisation retraite. Le tout nouveau Plan partenarial d’épargne salariale volontaire (PPESV) permettra aux salariés de capitaliser jusqu’à 25% de leurs rémunération moyennant une fiscalité attrayante. Concrètement, une partie des versements – les primes de participation et d'intéressement – seront défiscalisés et ne supporteront ni charges sociales, ni impôt sur le revenu. Cette capitalisation, renforcée par les versements volontaires  des salariés et les abondements des employeurs, subira une fiscalité modérée en l'échange d'une période de blocage de dix ans. Comme dans tous les dispositifs d'épargne salariale, l'épargnant ne supportera qu'une fois le prélèvement fiscal, à l'image de ce qui se fait dans les régime de capitalisation retraite français tels que Préfon (fonctionnaires) ou loi Madelin (indépendants). Sans le dire, les socialistes viennent ainsi de poser les jalons des fonds de pension de gauche. S'ils ont pris soin de gommer tout ce rappelait trop l'épargne retraite – en se refusant par exemple à inscrire dans la loi une possibilité de sortie en rente viagère – cela n'empêchera pas ceux qui le désireront de convertir leur capitalisation en rente, de façon à compléter leur retraite par répartition.

Encore faudrait-il expliquer l'intérêt de la capitalisation

Mais, si l'adoption de la loi Fabius sur l'épargne salariale est une excellente nouvelle pour les salariés avertis, on regrettera à juste titre que ce texte n'ait pas suscité un accompagnement politique à la hauteur des enjeux.

Une fois de plus la classe politique française s'est avérée incapable de tenir un discours de vérité intelligible par la majorité français. Contrairement à ce que l'on observe outre-Rhin, où le gouvernement rouge-vert allemand orchestre au grand jour la montée en puissance de la capitalisation, la gauche plurielle française n'a pas profité de l'occasion qui se présentait à elle pour remettre en cause le dogme du tout répartition. Passablement aidée par l'attitude d'une droite qui refuse de développer un réel discours alternatif pro capitalisation, elle continue d'user de faux semblants et de nier l'urgence d'une transition. Cette attitude, rationnelle de la part d'un cartel électoral soucieux d'assurer sa réélection, laissera place aux déconvenues lorsque les retraites par répartition commenceront sérieusement à se dégrader et que les inégalités, entre retraités ayant ou n'ayant pas capitalisé, apparaîtront au grand jour.