Les interactions entre démographie, répartition et capitalisation.

 

Le débat français sur l’avenir des retraites fournit une excellente illustration des pesanteurs et des blocages de notre société. D'année en année, la publication de rapports publics, l’organisation de concertations ou les projets de réforme suscitent les mêmes réactions stéréotypées Les représentants des syndicats de "salariés", ainsi qu’une grande partie du personnel politique, hostiles à toute mesure qui, de près ou de loin, permettrait aux français de capitaliser plus facilement, affirment haut et fort leur attachement à la répartition. Dans le même temps, ils ne soutiennent pas les mesures censées pérenniser le fonctionnement de l'assurance vieillesse, tel l'allongement de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein.

Plus surprenant, les syndicats – qui gèrent l'assurance vieillesse des travailleurs salariés – pratiquent un double jeu. Ils recrutent une grande partie de leurs adhérents dans la fonction publique et notamment chez les fonctionnaires. A l'évidence, ces derniers ne sont pas concernés par la répartition puisque leurs pensions sont à la charge du budget depuis 1853. Dans la mesure où les retenues sur les traitements des fonctionnaires en activité sont notoirement insuffisantes, l'essentiel des pensions versées aux retraités est effectivement financé par l'impôt. Soucieux de pérenniser cette pratique, et les avantages qui y sont associés, les syndicats ont bruyamment refusé la création d'une caisse de retraite des agents de la fonction publique de l'Etat en 1995. Ainsi, ceux qui gèrent la répartition du privé refusent de l'appliquer au public. Plus surprenant encore, les syndicats – qui ont mis en place des fonds de pension catégoriels dans le public[1] – refusent leur libéralisation dans le privé au motif que cela risquerait de fragiliser la répartition.

Soucieux de ne pas froisser son électorat traditionnel, le gouvernement Jospin a pris le parti de jouer la carte de l'attentisme tout en multipliant concertations et rapports publics. C'est ainsi que plus d’une demi-douzaine de rapports sur les retraites ont été publiés depuis 1997[2]. Or, l'impact de ces travaux, censés établir un diagnostic et présenter des pistes de réforme, est plus que mitigé. Le gouvernement, qui n'opte pas pour une ligne de conduite claire, s'est contenté de mettre en place un fonds de réserve, solution hybride cumulant les inconvénients de la capitalisation collective et de la répartition[3].

Pourtant, les projections démographiques sont sans appel. Les régimes de retraite par répartition vont être doublement pénalisés par le vieillissement de la société française. D'une part, les charges de l'assurance vieillesse vont sensiblement augmenter à partir de 2006, lorsque les générations issues du Baby-Boom feront valoir leur droit à la retraite. D'autre part, les recettes de la répartition vont diminuer puisque le nombre de personnes en âge de cotiser va stagner, voire baisser, durant les quarante prochaines années  (Graphique 1). Les ratios de dépendance vont se détériorer sensiblement : alors qu'en moyenne dix personnes d'âge actif subvenaient aux besoins de quatre retraités en 1995, dix actifs devraient théoriquement assumer la charge de sept retraités en 2040 (Tableau 1). Les régimes de retraite par répartition, qui ne font que redistribuer les cotisations prélevées sur les actifs, vont donc devoir restreindre le montant des pensions et augmenter les taux de cotisation. Depuis 1993, le mode de calcul des retraites du privé a été progressivement modifié à cette fin. Il en résultera une baisse sensible des retraites du régime général et, surtout, des prestations des régimes complémentaires (Tableau 2). Mais ces mesures restent insuffisantes puisque le rapport Charpin chiffre les besoins de financement annuels entre 700 et 800 milliards de francs en 2040. Il faudra donc accroître conjointement le taux des cotisations vieillesse. Les projections du Ministère des Affaires sociales tablent sur une augmentation des cotisations apparentes de 6 à 13 points, selon que les pensions seront réévaluées en fonction des prix ou des salaires (Tableau 3). Précisons que ces chiffrages n'intègrent pas les effets négatifs de l'augmentation des charges sociales sur l'activité. Or, un accroissement aussi important des taux de cotisation ne manquerait pas de pénaliser l'emploi, et donc de dégrader plus encore la situation des comptes sociaux.

 

Graphique 1 : Effectif des différentes tranches d'âge
selon le scénario de fécondité*

 

 

Tableau 1 : Evolution projetée des ratios de dépendance* (France, 1995-2040).

  1995 2005 2010 2020 2030 2040
+ 60 ans / 20-59 ans 0,39 0,40 0,43 0,53 0,64 0,71

* Scénario INSEE moyen : 1,8 enfants par femme, poursuite de la baisse de la mortalité, solde migratoire positif net annuel de 50.000 personnes. Source : Charpin-1999.

 

 

Tableau 2 : Projection des taux de remplacement bruts pour des carrières types complètes de salariés du privé

Année de liquidation

1996

2020

2040

CNAVTS (1)

45,7 %

41,1 %

40,9 %

CNAVTS (2)

45,8 %

41,3 %

41,2 %

CNAVTS (3)

50,6 %

41,3 %

41,2 %

CNAVTS (4)

39,3 %

36,2 %

36,0 %

CNAVTS (5)

22,9 %

20,6 %

20,6 %

ARRCO (1)

22,4 %

15,4 %

10,3 %

ARRCO (2)

23,5 %

16,3 %

10,9 %

ARRCO (3)

26,2 %

16,6 %

10,9 %

ARRCO (4)

24,4 %

15,3 %

10,2 %

ARRCO (5)

11,7 %

 8,2 %

 5,4 %

AGIRC (4)

10,7 %

 4,4 %

 2,8 %

AGIRC (5)

24,4 %

16,7 %

11,9 %

(1) Rattrapage du plafond en 20 ans ; (2) Toujours au plafond ; (3) Toujours au salaire moyen ARRCO ; (4) 9e décile de salaires des hommes affiliés à la CNAVTS; (5) Carrière commençant au plafond et se terminant à deux fois le plafond. Source : Charpin-1999.

 

Tableau 3 : Evolution projetée des taux de cotisation vieillesse apparents (France 2000-2040).

 

 

Chômage à 6%

Chômage à 9%

 

2000

2015

2040

2015

2040

Montants des retraites dans le PIB

 

 

 

 

 

- Indexation sur les prix

12,0

12,4

16,1

13,4

17,4

- Indexation sur le salaire net

12,0

14,1

19,9

14,4

20,1

Cotisations sociales vieillesse

 

 

 

 

 

- Indexation sur les prix

19,2

20,0

25,9

21,6

28,0

- Indexation sur le salaire net

19,2

22,7

31,9

23,2

32,4

Hypothèse : fécondité à 1,8 enfant par femme. Source : Lerais (DARES) – 1999.

 

En dépit du caractère fort inquiétant de ces projections, nombre d'experts institutionnels continuent de s'interroger ouvertement sur l'utilité des réformes. Certains prétendent que la répartition ne serait pas fragilisée par le vieillissement de la société française puisqu'il serait possible de compenser la montée des dépenses d'assurance vieillesse. D'autres soulignent que tout recours à la capitalisation serait illusoire dans la mesure où cette dernière serait, elle aussi, tributaire de la démographie.

Economiser sur la jeunesse pour financer les retraites ?

A l'image de Pierre Concialdi, certains économistes considèrent que l'avenir des retraites par répartition n'est pas hypothéqué par l'évolution de la démographie. Ils prétendent que le vieillissement permettra de réaliser des économies compensant plus ou moins le surcoût lié à l'augmentation du nombre de retraités[4]. A les entendre, la baisse de la natalité permettrait de réaliser des économies sur la jeunesse. Il serait possible de réaffecter une partie des ressources de la branche famille ou des budgets de l'Education nationale au profit des dépenses d'assurance vieillesse. En outre, la baisse de la natalité et la diminution de la population d'âge actif qui en découle induirait une baisse du chômage. Une partie des fonds consacrés à la politique de l'emploi pourrait donc être affectée au profit de l'assurance vieillesse. In fine, il serait possible de faire face au vieillissement des régimes de retraite sans modifier radicalement le taux des prélèvements obligatoires.

Mais une analyse plus fine montre qu'il est illusoire de prétendre faire face aux conséquences financières du vieillissement en se livrant à un tel jeu de vases communicants. L'économie de la famille nous enseigne que, exception faite des effets de seuil, les dépenses moyennes par enfant sont inversement proportionnelles au nombre de descendants. Les économies réalisables dans le contexte actuel sont donc moins importantes que la baisse de la natalité. En outre, une politique de réduction des aides à la famille risquerait d'être contre-productive puisque, comme le montre Jacques Bichot, la survie des régimes de retraite par répartition est liée au renouvellement de leur base contributive[5]. Si la réaffectation des moyens de la branche famille au profit de l'assurance vieillesse peut être une source d'économie à court terme, elle risque de déprimer la natalité et ainsi de fragiliser plus encore la répartition à moyen terme. Les économies sur les dépenses d'éducation sont tout aussi incertaines. L'expérience des dernières années nous montre qu'en dépit des baisses d'effectifs scolarisés, les budgets ont jusqu'à présent continué de croître. Dans la mesure où l'essentiel des dépenses d'éducation ont trait aux personnels et que ces derniers disposent d'un statut extrêmement protecteur, il paraîtrait illusoire de penser dégager rapidement des économies permettant de combler les déficits de l'assurance vieillesse dès 2006. Enfin, les économies consécutives à la baisse du chômage sont encore hypothétiques. D'une part, les bénéfices de la baisse conjoncturelle sont plus que compensés par la mise en oeuvre des 35 heures[6]. D'autre part, il n'est pas certain que la tendance actuelle se poursuive. La création d'emploi va généralement de pair avec le dynamisme de la population active et, a contrario, le vieillissement pourrait s'accompagner de déséquilibres persistants sur le marché du travail. Aussi, les économies potentielles semblent fort aléatoires au regard de besoins financiers consécutifs à l'accroissement du nombre de retraités.

L'autre ligne de défense des tenants du statu quo consiste à insister sur les prétendues similitudes entre répartition et capitalisation. Les deux modes de prévoyance retraite seraient pareillement affectées par le vieillissement, tant du point de vue des dépenses que de leur financement.

Les théories de l'équivalence entre la répartition et la capitalisation et leurs limites

D'un côté certains économistes - tels Dupont et Sterdyniak[7] - soulignent que l'allongement de la durée des retraites suscite une hausse des dépenses, indépendamment du fait que l'on soit en répartition ou en capitalisation. De même que l'assurance vieillesse va devoir augmenter ses recettes pour subvenir aux besoins de plus de retraités à partir de 2006, les actifs qui désireraient capitaliser devraient amasser plus d'épargne puisque leur espérance de vie à la retraite augmente.

D'un autre côté, les défenseurs du statu quo prétendent que le choix du système de retraite serait neutre du point de vue du financement des retraites. Pour Euzéby "quel que soit le système considéré – répartition ou capitalisation – les sommes qui sont affectées à son financement constituent, de toute façon des transferts des revenus des actifs vers les retraités"[8]. Aussi, comme le résument Dupont et Sterdyniak "tout système de retraite procède donc de la répartition"[9].

Il ne faut pas se laisser séduire par ces propos. S'il est vrai qu'en capitalisation le coût des rentes viagères augmenterait en fonction de l'espérance de vie à la retraite, force est néanmoins de constater que la capitalisation est sensiblement mieux immunisée que la répartition contre les conséquences du vieillissement. Le lien entre démographie et répartition est connu des économistes depuis les travaux de Paul Samuelson[10]. Dans les années cinquante, ce futur prix Nobel notait que l'assurance vieillesse, financée par les cotisations prélevées sur les actifs, pouvait distribuer des pensions plus ou moins élevées en fonction du taux de croissance de la population active. Par analogie avec la capitalisation, l'économiste américain avait développé le concept de "rendement implicite" de la répartition. Il considérait que la répartition rapportait un "taux d'intérêt biologique" : plus la population active augmentait vite, plus la répartition était attrayante. Selon Samuelson, le choix de la capitalisation ou de la répartition pouvait être neutre si le taux de croissance de la population était égal au taux d'intérêt. Or, à l'évidence, nous sommes loin d'être dans cette situation. D'ici peu, les taux de croissance de la population active – et de la masse salariale – vont décliner. Ils pourraient devenir nuls voire négatifs, ce qui réduirait plus encore l'intérêt de la répartition[11].

Certains experts institutionnels cherchent à masquer cette dure réalité. Observant que la masse salariale a rétrospectivement évolué comme le PIB, ils ont pris l'habitude de considérer que le "rendement implicite" de la répartition est égal au taux de croissance du PIB. Cette approximation, qui est d'autant moins justifiée que les ratios démographiques évoluent aujourd'hui négativement, sert aujourd'hui de fer de lance aux défenseurs du statu quo. Exhumant des modèles de théorie économique prédisant une convergence du taux de croissance de l'économie et du taux de rendement du capital, ils prétendent que la capitalisation sera moins attrayante dans le futur. A les entendre, son rendement devrait mécaniquement chuter pour s'aligner sur celui de la répartition. Il serait dès lors inutile de remettre en cause le tout répartition. Mais la majorité des économistes refuse de cautionner ce scénario, y compris les membres du Conseil d'analyse économique mis en place par l'actuel Premier ministre. Ces derniers considèrent que, même dans l'hypothèse où le vieillissement affecterait pareillement répartition et capitalisation, cette dernière continuerait d'être largement profitable. Selon Davanne et Pujol, un actif qui capitaliserait entre 30% et la moitié des sommes aujourd'hui prélevées au titre de la répartition disposerait à terme d'un pouvoir d'achat identique au pensionné de l'assurance vieillesse. Le taux de prélèvement implicite, c'est-à-dire le manque à gagner du cotisant en répartition, oscillerait entre 50 et 70% des prélèvements sociaux[12]. Aussi, le recours à la capitalisation serait-il d'autant plus justifié qu'il permettrait plus facilement de faire face à l'augmentation des besoins financiers consécutive à l'augmentation de l'espérance de vie à la retraite.

Non contents d'occulter le lien fondamental entre démographie et répartition, les défenseurs du statu quo s'offrent le luxe de souligner que la capitalisation n'est pas à l'abri du vieillissement. D'une part, ils prétendent que le vieillissement s'accompagnera d'un ralentissement de l'activité économique remettant en cause l'attrait de la capitalisation. D'autre part, ils agitent le spectre d'un "Papy Krach".

Les théories du vieillissement de la capitalisation et leurs limites

Si la démographie interagit avec l'économie, il convient de relativiser les propos de ceux qui prétendent que la capitalisation deviendrait inintéressante. Le vieillissement aura naturellement des conséquences économiques, même s'il est difficile de les quantifier. Il est possible que le rendement du capital diminue et que l'épargne retraite investie dans les économies vieillissantes telles que la France soit moins bien rémunérée. Mais il convient d'objecter qu'un vieillissement s'accompagnant d'une stagnation économique affecterait encore plus les régimes par répartition. En effet, ceux-ci sont tributaires d'une seule économie et d'une seule démographie. A contrario, la capitalisation offre deux avantages : elle permet d'amortir le financement des retraites, d'une part, dans le temps et, d'autre part, dans l'espace.

Il est acquis que le contre-choc du "Papy Boom" s'accompagnera d'un accroissement des dépenses sociales. La recherche de la sécurité et de l'équité intergénérationnelle implique que cette réalité soit prise en compte dès à présent, en préfinançant ces dépenses. Il est en effet plus réaliste et juste d'inciter les actifs, encore nombreux, à épargner plutôt que de tabler sur un hypothétique accroissement des taux de cotisations sociales pesant sur des jeunes générations moins étoffées. Pour s'en convaincre, prenons un cas théorique extrême et supposons que les générations d'actifs ne soient plus remplacées en France suite à un arrêt complet des naissances. A terme, faute de cotisants, l'assurance vieillesse n'aurait plus de recettes et ne pourrait pas distribuer de prestations retraite à la dernière génération d'actifs, indépendamment du fait que cette génération "sacrifiée" ait préalablement cotisé en répartition. A contrario, les personnes ayant pu capitaliser auraient la certitude de disposer d'une retraite. Bien sur, le rendement d'une capitalisation franco-française serait affecté par le vieillissement qui, dans notre exemple extrême, se traduirait par la disparition de toute l'économie française lorsque les derniers actifs prendraient leur retraite. Mais cela ne poserait pas de problème insurmontable puisque la capitalisation est diversifiable géographiquement. Contrairement à la répartition – tributaire d'une seule économie et d'une seule démographie – la capitalisation repose sur des marchés financiers internationalisés. Là où la répartition cumule tous les inconvénients en phase de vieillissement, la capitalisation permet de faire fructifier l'épargne des futurs retraités dans des pays présentant de meilleures perspectives économiques et démographiques. Ainsi, elle apparaît d'autant plus intéressante dans le contexte actuel.

Le spectre d'un krach boursier, agité par les défenseurs du statu-quo, est tout aussi contestable. Si les marchés financiers connaissent des a-coups conjoncturels, ils sont relativement réguliers sur la longue période. Aussi, les performances de la capitalisation sont-elles relativement stables, dès lors que l’on prend en compte l’horizon temporel du futur retraité[13]. En dépit des discours alarmistes sur le caractère inéluctable d'un "Papy Krach", il n'y a pas de raison que cette réalité change.

 Si l'on en croit Euzéby, un recours à la capitalisation serait contre-productif puisque le vieillissement s'accompagnerait de ventes massives d'actifs financiers. Les retraités occidentaux réduiraient leur épargne dans un contexte où les jeunes générations – plus clairsemées – ne  pourraient pas compenser intégralement le mouvement en achetant les titres mis en vente. Il s'en suivrait une baisse des cours et des taux d'intérêts, ce qui rendrait la capitalisation moins attrayante[14]. La même idée est défendue par Dupont et Sterdyniak. Les deux économistes de l'OFCE considèrent que lorsque "les régimes de retraite [par capitalisation] commenceront à réduire leur accumulation d'actifs, puis à les réaliser pour servir les droits acquis, le risque est grand que cela entraîne une chute de la Bourse"[15]. Ce raisonnement – bien relayé par le lobby de la répartition – ne tient pas compte, là encore, des possibilités d'une économie ouverte. Au delà du fait que l'on n'observe pas de corrélation simple entre taux d'épargne des ménages et le poids des retraités[16], il apparaît que les différents pays ne vieillissent pas au même rythme. S'il est possible qu'un mouvement de désépargne affecte certains pays vieillissants d'ici quelques décennies, il est tout à fait possible qu'il soit compensé par une croissance de l'épargne dans des pays plus jeunes ou ayant recours à la capitalisation. De nombreux Etats ont déjà mis en œuvre des dispositifs par capitalisation ou envisagent de le faire dans un futur proche. Faute de pouvoir en donner une liste exhaustive, il est par exemple possible de faire état des réalisations des pays d'Amérique Latine ou des projets chinois[17].

Aussi, l'argumentaire des tenants de la répartition n'est pas satisfaisant d'un point de vue démographique et économique. Pour autant, il est parfaitement bien relayé en France où il contribue à justifier le statu quo et l'immobilisme des autorités. Il représente une véritable aubaine pour des pouvoirs publics inscrivant leur action dans le court terme. A l'image du gouvernement Jospin – qui s'est refusé à aligner les retraites du public sur celles du privé et vient de revaloriser ces dernières –, les gouvernants ont intérêt à s'attirer les bonnes grâces des actifs et des retraités qui conditionnent leur réélection. Ils seront enclins à reporter le poids du vieillissement sur les générations à naître qui, en tout état de cause, ne risquent pas de les sanctionner électoralement. Mais, à long terme, cette pratique risque d'être tout aussi destructrice que les agissements des gouvernants de l'entre-deux-guerres. Incapables d'assumer leurs engagements financiers, ils eurent recours à l'inflation, ruinant ainsi des générations de retraités jusqu'à ce que le gouvernement de Vichy mette en place la répartition, dès 1941[18]. Espérons que la classe politique sera de nos jours plus clairvoyante.

 

Références bibliographiques

Bichot, J. (1999) "Retraites, réinventer la répartition ?" Commentaire, n°85 printemps.

Bonnet, C. & Mahieu, R. (1999) "Microsimulation techniques applied to intergenerational transfers Pensions in a dynamic framework : the case of France" INSEE, document de travail G9906 37p.

Charpin, J.-M. (1999) L'avenir de nos retraites, Commissariat général du Plan.

Concialdi, P. (1997) "Le débat sur les retraites : l'alibi de la démographie" Revue de l'IRES, n°23 hiver.

Davanne, O. & Pujol, T. (1997) "Analyse économique de la retraite par répartition" Revue française d’économie, volume XII hiver.

Dupont, G. & Sterdyniak, H. (2000) Quel avenir pour nos retraites, La Découverte.

Euzeby, A. (1997) "Une solidarité indispensable" Revue internationale de sécurité sociale n°3/1997 ou Problèmes économiques n°2554, 4 février.

Euzeby, A. (1999) "Retraite : les dangers de la capitalisation", CREDHESS Sociétés & Représentations, Hors-série.

 


[1] PREFON est un fonds de pension réservé aux agents de l'Etat, des collectivités territoriales et à leurs conjoints ;  CREF est ouvert aux agents de l'Education nationale, de la Culture et aux adhérents des mutuelles de la fonction publique.

[2] Messieurs Balligand et Foucauld, Charpin, Davanne, Lorenzi, Morin, Teulade, Taddéi ont notamment été mis à contribution.

[3] Par exemple Marques, N. (2000) "Le mystérieux fonds de réserve des retraites" Les Echos 27 juin p. 77.

[4] Concialdi-1997, pp. 37-57.

[5] Bichot-1999, pp. 139-141.

[6] Les 35 heures représentent une charge budgétaire de 85 milliards en 2001.

[7] Dupont & Sterdyniak-2000, p. 70.

[8] Euzeby-1997, p. 11 ou Euzeby-1999, p. 237.

[9] Dupont & Sterdyniak-2000, p. 63.

[10] Samuelson, P. (1958) "An Exact Consumption-loan Model of Interest with or without the Social Contrivance of Money" Journal of Political Economy, volume LXVI December  #6 pp. 467-482

[11] Bonnet & Mahieu-1999 montrent que, là où la génération de 1920 pouvait tabler sur une répartition procurant un rendement de 9%, les générations nées en 1974 obtiendraient en moyenne un rendement de 3% si l'on se contentait d'appliquer les réformes déjà votées. En réalité, le rendement de la répartition sera moindre puisqu'en dépit de la réforme de 1993 les déficits seront conséquents dès 2020.

[12] Davanne & Pujol-1997, pp. 40-41.

[13] Une capitalisation peut se planifier sur une dizaine d’années, pour celui qui est en fin de carrière, jusqu'à une quarantaine d'années pour celui qui épargne durant toute sa vie active. En outre, le retraité peut avoir intérêt à conserver une partie de son capital sous forme d'actifs financiers.

[14] Euzéby-1997, p. 11.

[15] Dupont & Sterdyniak-2000 p.93.

[16] Voir par exemple la Note conjoncture Paribas de décembre 1999.

[17] Durant ces vingt dernières années le Chili, le Pérou, la Colombie, l'Argentine, l'Uruguay, le Mexique, la Bolivie et le Salvador ont généralisé la capitalisation, en allant parfois jusqu'à planifier l'extinction complète de la répartition. De nombreux anciens pays de l'Est ont basculé en capitalisation et les chinois envisagent de créer des étages en capitalisation.

[18] Belin, R. (1978) Du secrétariat de la CGT au gouvernement de Vichy, Albatros.